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JE SUIS DESOLE

"Je suis désolé mesdames et messieurs.

Comme chaque matin, je viens vous importuner.

Je suis désolé".

L'homme venait d'entrer dans la rame du métro, ligne 6 a la station Trocadéro. les beaux quartiers.

Il porte une veste verte molletonnée en synthétique, des baskets bleues délavées. Un pantalon marron froissé. Il porte une barbe pas entretenue depuis des lustres. Une écharpe grise comme sa barbe, nouée autour du cou. Des cheveux longs dans le cou, et une calvitie plus que naissante sur le dessus de son crane.

A la main, un sac plastique Tati.

Il s'exprime dans un français hésitant, en roulant un peu les R. Impossible de déceler l'origine de son accent. Probablement un des pays de l'est de l'Europe grand pourvoyeur de réfugiés.

"Je suis désolé.

Comme tous les matins.

Je vous dérange parmi vos journaux, magazines, MP3, smartphones.

Je suis désolé, mesdames et messieurs.

Je ne joue pas d'un instrument.

Je n'ai que mes mains et mon coeur.

Je suis désolé de devoir vous importuner".

Les passagers de la rame, petit à petit commencent à baisser la tête, regardant leurs chaussures avec insistance. Nul n'osait regarder en direction de cet homme qui interpellait leurs habitudes.

"Je suis désolé, mesdames et messieurs.

Si un ou une d'entre vous avait une proposition d'un petit travail, je le suis de suite.

Je suis courageux et travailleur.

Je suis désolé de vous importuner.

Ou une petite pièce, méme pas une pièce jaune, une rouge, cinq centimes, pas plus.

Je suis désolé, ou un ticket restaurant que je puisse manger aujourd'hui.

Je suis désolé".

A ce stade, tous les voyageurs n'osaient même pas regarder leur voisin de métro. De peur d'y lire la honte, le trouble, l'agacement, la compassion peut être devant cet homme paisible qui leur parlait calmement en leur rappelant cette réalité révoltante, à leur porte, mais qu'ils se refusaient de voir, désormais.

Celui-ci les quitta à la station suivante, non sans leur avoir asséner : "Je suis désolé, mesdames et messieurs, de vous avoir importuné.

Je reviendrais encore demain matin, comme tous les matins.

Bonne journée, mesdames et messieurs".

Il y eu, on ne sait pourquoi, comme une respiration diffuse, les voyageurs relevant la tête. L'alerte était passée. jusqu'à demain matin.

C'était à Paris, France, Europe, le 10 décembre 2014

Le coup de gueule du Professeur Bernuche
Tag(s) : #HUMOUR
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