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EPISODE 8 : Périples et péripéties diverses ...   


  Sofia faisait les cent pas dans le hall de l’aéroport international Sir Seewoosagur Ramgoolam (!) à Plaisance. L’avion en provenance de Paris-Roissy avait du retard.  Elle était impatiente de revoir celui qu’elle attendait, impatiente de lui poser certaines questions, impatiente qu’il réponde à ses interrogations.

  Un brouhaha se fit entendre derrière elle. Un petit homme nerveux, accompagné par une armée de gardes du corps et de secrétaires, se plaignait de l’accueil et du confort relatif des locaux. Il pérorait et insultait le personnel présent, mais, malgré cela, tout le monde était à ses pieds et satisfaisait ses moindres désirs. Il voulait un salon privé avec bar et TV grand écran, aucun problème, on allait lui trouver ça. Il exigeait un repas gastronomique accompagné des meilleurs vins, pas de souci, c’était chose faite !
   Sofia savait qui il était. Elle avait remarqué quelques affiches en ville, où son visage apparaissait en gros plan, un sourire crispé sur ses lèvres minces.


 
C’était un de ces conférenciers, qui ne se déplaçaient que si le cachet présentait un nombre à plusieurs zéros. Ses causeries, qui ne duraient pas plus d’une heure le plus souvent, n’attiraient que les grands de ce monde, des industriels, des financiers, des hommes politiques, des personnages véreux parfois... Deux jours auparavant, à Port Louis, ceux-ci avaient eu, moyennant quelques centaines de milliers de roupies, le privilège d’écouter l’homme philosopher sur le thème : « Eradication de la masse laborieuse et du monde ouvrier : moyens et enjeux ».

 Sofia s’était proposée pour emmener Chico au Swami Vivekananda International Centre de Port Louis, mais celui-ci avait, d’un geste sec de la main, repoussé cette proposition : 
« Cet homme, ce Yan Kraszocolis, (d’ailleurs, je le soupçonne d’utiliser un nom d’emprunt), cet homme n’est qu’un petit vermicelle insignifiant ! J’ai, tu le sais Sofia, des affaires plus urgentes sur le feu ... ».

   Sofia se désinteressa soudain du vermicelle, car l’on annoncait enfin l’arrivée du vol AF5825. La belle, tous ses charmes aux aguets, postée devant la porte B, vit arriver l’homme qu’elle attendait, toujours aussi sérieux et distingué.
Lorsqu’il fut enfin devant elle, elle s’approcha et laissa échapper de ses lèvres impeccablement maquillées : « Jules, mon chéri ! ».




  L’ambiance était électrique. Dans la magnifique suite de la villa,  Chico, tournant le dos à Jules, regardait par la fenêtre. Son visage, plus rouge qu’ à l’ordinaire, montrait qu’il se contenait difficilement.
   « J’ai toujours redouté ce moment. Mais je pensais que tu attendrais que je passe l’arme à gauche pour faire tes affaires. Je n‘en ai plus pour longtemps, tu le sais, ne peux-tu pas attendre que je sois sorti les pieds devant ? »

  « Pas à moi, Chico ! Vous savez très bien que les recherches que mènent le professeur vous font espérer un miracle, et que cet imbécile pourrait bien réussir ! J’ai beaucoup appris à vous cotoyer toutes ces années, mais j’ai décidé de voler de mes propres ailes, et je ne suis plus seul. Quelqu’un m’attend à Paris ... ».


  « Ah, c’est donc çà ! Une femme, Jules. Je ne saurais trop te conseiller d’être prudent avec le genre féminin.
  Tu pourrais avoir toutes les femmes que tu veux, si tu y mettais du tien. Et puis saches pour ton information, que le professeur me cause bien du souci. D’abord cette histoire de polygamie qu’il a fallu étouffer, et maintenant, cette blonde qui le suit partout s’est mis dans la tête de le voir habiter la villa. Il n’en est bien sûr pas question, il ne lui faut aucun motif de distraction afin qu’il poursuive ses objectifs. Le temps presse. »

   « Bien sûr, Chico.  »  
   « Maintenant, si c’est une question d’argent .... ».
   « Ce n’est pas le cas, j’ai mis suffisamment de côté pour voir l’avenir d’un oeil serein. Ma décision est prise, Chico ! ».
   « Soit ! Je ne peux pas te retenir. Je t’ai toujours considéré comme mon fils, Jules. Mais je me vois dans l’obligation de te prévenir : je suis recherché par quasiment toutes les polices du monde. Il va sans dire que tu sauras tenir ta langue, sinon, il se pourrait que tes romantiques projets à Paris prennent une mauvaise tournure. J’espère que tu saisis l’allusion ! ».
   « Je ne suis pas idiot, Chico ! ».
   « Je le sais bien, justement ! ».
  « Je compte repartir dès demain matin. En attendant, voyons les dernières affaires ensemble. J’irais annoncer mon départ à Sofia ensuite. ».




   Sofia ouvrit la porte de sa chambre, d’où l’on pouvait contempler la superbe vue sur la mer et les palmiers. Bien que parfaitement en ordre, on pouvait deviner que la pièce, derrière les immenses placards, renfermaient des toilettes luxueuses, et une impressionnante collection de paires de chaussures, que les tiroirs cachaient de précieux bijoux et les parfums les plus onéreux. 
   Sofia avait changé. Elle lui rappelait maintenant cette brune qu’il avait croisée parfois à Paris ou ailleurs, ancienne ministre dans son pays, qui courait les magasins de luxe, les plateaux télé et qui n’était qu’une parvenue. 
   Autrefois brillante et ambitieuse, Sofia avait trop vite pris goût à l’odeur de l’argent, celui que Chico et lui-même avait mis des années à amasser, et en prenant des risques qui plus est !

  
   Un éclatant sourire éclaira son visage lorsqu’elle reconnut le jeune homme.
   « Jules, mon amour, j’avais à te parler ... »
   « Moi également, Sofia. Et arrêtes de m’appeler comme ça ! »
   « Voyons, chéri, tu n’as pas envie de profiter un peu de ton séjour ici ? Je suis disponible, en ce moment, les affaires de Chico marchent comme sur des roulettes et tu y es sans aucun doute pour quelque chose.
J’ai envie d’aller me baigner, tu m’accompagnes ? ».
   « Non Sofia, je ne t’accompagne nulle part ».
  « Tu sais, si tu le voulais, nous pourrions .... » roucoula t’elle en posant sa main sur son bras.
   « Mais nous pourrions quoi ? ».
  « Eh bien, par exemple, reprendre notre histoire là où nous l’avions laissée. Les derniers évènements et  tes absences répétées ne nous ont pas permis de nous retrouver. Mais maintenant, nous pourrions souffler un peu, profiter ensemble de Chico, et de ce magnifique endroit ... ».
   « Sofia, je repars demain, et je ne reviendrai pas ! ».
  « Que veux-tu dire, voyons ? Si tu dois repartir, je patienterai. Mais tu reviendras ... ».
  « Sofia, j’ai rencontré quelqu’un, elle m’attend à Paris. Et j’ai donné ma démission à Chico. J’ai d’autres projets. Vas-tu comprendre enfin, non de non ? ».

   Sofia eut un geste de recul : « Toi, Jules, tu as rencontré quelqu’un ? Qui est-ce ? Je la connais ? ».
  « Le problème n’est pas là. Je suis venu te faire mes adieux. Je n’ai aucun doute sur le fait que tu sois capable de gérer les affaires de ton père lorsqu’il ne sera plus là. Tu t’es toujours tirée d’affaire seule. Je te souhaite le meilleur. Adieu Sofia. ».  
   D’un mouvement leste, Sofia s’était interposée entre la porte et Jules. 
  Et d’un geste rapide, la colère dans le regard, elle avait enfoncé un joli petit couteau dans l’abdomen de Jules, qui s’écroula. 
  
  Une tâche de sang s’écoula lentement sur le tapis persan en soie, dans la chambre de Sofia.


 

 

   « Gaston, secoues-toi un peu ! Tu ne peux pas rester vautré là sur un fauteuil, à t’estourbir des imbécilités quotidiennes à la télévision ...  ».
  Maya n’en pouvait plus. Depuis quelques semaines, Gaston était dépressif, lessivé, épuisé. Elle faisait son possible pour lui remonter le moral, mais tout le déprimait, rien ne suscitait plus son intérêt, que les débilités diffusées sur les chaînes de radio et de télé. 

  
  Pourtant, les déclarations d’un gouvernement qui partait à vau-l’eau, les scandales des uns et des autres, la prétention de certains hommes ou femmes politiques, les inégalités et injustices récurrentes, les peuples qui subissaient, les maladies, les horreurs et l’imagination de l’homme pour faire souffrir son prochain, tout cela le mettait en colère. Il avait mal. Et se sentait impuissant. 
  Malgré ses pouvoirs, il n’était qu’un minable.  Peut-être qu’il valait mieux partir, en finir ... Où fallait-il donc aller pour oublier un instant toutes ces images abjectes, ces discours vides, ces promesses jamais tenues ? Pour oublier le désir de bonheur que chacun sur la planète était en droit d’espérer ? Car Gaston savait que c’était utopique ... Depuis la nuit des temps, une majorité souffrait, de différentes façons, mais c’était ainsi et il fallait se faire une raison.

 

  Quel bilan devait-il tirer de son existence de super-héros ? Avec Maya, ils avaient bien parfois tiré d’affaire  de vieilles dames se faisant arracher leur sac par des adolescents mal éduqués, arrêté quelques escrocs et délinquants sans scrupules. Rien de plus ...


  Et puis, il y avait autre chose. Gaston ne supportait plus son apparence. Il se demandait d’ailleurs comment Maya avait pu être attirée par ce visage abominable, ce corps inexistant, cette peau fripée et ce teint maladif. Il se sentait ridicule et n’osait plus sortir de l’hôtel.
  Ah oui, l’hôtel, justement. Il était plus juste de dire le Palace. Il ne savait pas ce qu’il faisait là. Les luxueuses suites dont ils disposaient avec Maya, payées par l’argent de Chico, ce n’était décidemment plus possible. L’influence et l’omniprésence de son père et de Jules, ce n’était plus supportable. 
 D’ailleurs, Jules était bizarre avec lui depuis quelques mois. Ils se voyaient parfois, quand les activités de son frère lui laissaient un peu de temps. Ses activités ! Pppppffff ! Là aussi, il y avait malentendu. Ces activités, c’était justement ce contre quoi il aurait voulu se battre.


  Maya, l’observant, devinait tout de ses pensées. Elle savait. Elle comprenait la souffrance que Gaston ressentait. Elle prit soudain une décision :
  « Gaston, mon banania, je vais te faire rencontrer un ami, quelqu’un qui peut te redonner confiance, qui pourra t’aider ... ».
  Gaston, léthargique, opina de la tête, pour autant que cela était possible. Un lambeau de peau se détacha et tomba sur la moquette. 
  Il devenait urgent d’agir ...

LES NOUVELLES AVENTURES EPATANTES DE GASTON MARRONNIER
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